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L'attente: une infusion dans le temps. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 60

Dr Marc GALY et Dr Isabelle DEVOUGE.
L’attente est présente dans notre vie quotidienne : nous sommes là et nous attendons...



© Sandra Balsamo (photo © Michel Hidalgo/Samithami)
© Sandra Balsamo (photo © Michel Hidalgo/Samithami)
L’attente présente de nombreuses facettes dans des contextes très variables : attente d’un événement connu ou inconnu ; l’attente individuelle, collective ou parfois même sociétale, comme lors de cette pandémie dont on ne sait ce qu’il adviendra au terme. Au-delà de cette attente, c’est dans un autre espace-temps, une autre attente que doit se positionner le thérapeute, afin de permettre à son patient, s’il le souhaite, d’attendre sans rien attendre. François Roustang nous éclaire dans Savoir attendre : Pour que la vie change, publié en 2006. Ce livre est majeur. Pour notre part, nous sommes simplement là pour apporter une contribution, une discussion sur le phénomène de l’attente en s’appuyant sur ce que François Roustang nous offre.

CE QUE VEUT DIRE ATTENDRE

Le dictionnaire Larousse définit le verbe « attendre » en ces termes : « Rester en un lieu jusqu’à ce que quelqu’un arrive, que quelque chose soit prêt ou se produise. » Cette définition donne deux dimensions : un espace-temps dans lequel nous restons dans un lieu pour une certaine durée et la perspective qu’il va se passer quelque chose. Dans notre expérience récente, nous pouvons observer que le confinement est un espace-temps d’attente dans lequel nous restons dans un lieu en attendant que quelque chose se produise. Le temps passé dans cet espace-temps et la chose qui va naître dans cette position restent à définir et peuvent déjà être déterminés, ou être indéterminés. L’attente est ce qui peut permettre la construction ultérieure. On appelle ainsi « pierres d’attente » des pierres saillantes ménagées d’espace en espace, au bout d’un mur, afin de pouvoir faire liaison avec une construction ultérieure. En clinique, il est central pour le patient comme pour le praticien d’intégrer cet espace-temps. Ce temps d’attente partagé est l’émergence de quelque chose : atteindre pleinement la définition d’attendre, « être préparé pour ». C’est dans des exemples cliniques que nous apportons quelques éléments du débat.

ATTENTE DÉTERMINÉE OU INDÉTERMINÉE

Etre dans une attente déterminée implique que les deux facteurs soient identifiés. Le temps d’attente et la chose attendue. Attendre l’arrivée d’un ami, la naissance d’un enfant, un repas en famille est une attente dans laquelle le temps à attendre et l’issue de cette attente sont à peu près déterminés. Tendu vers ce moment, il arrive que l’on soit transitoirement absent, que l’on oublie de vivre le présent. Cependant, il est possible d’agir pour rendre l’attente moins prégnante et impactant moins le quotidien. En revanche, il est bien rare que dans la pratique clinique quotidienne ces deux facteurs soient déterminés. Observons par exemple que les patients attendent tout le long de leur parcours de soin : un rendez- vous, un résultat de scanner, de biopsie, une intervention chirurgicale, un traitement et une guérison. Ils attendent aussi que la porte du médecin s’ouvre et ne savent pas ce que cet entretien va engendrer. Ils ont une indétermination du temps et de « la chose » qui va surgir. Nous pouvons dire que l’attente des patients est le plus souvent indéterminée, soit dans le temps soit dans ce qui va surgir. Cette double indétermination rend l’attente parfois angoissante, impactant un moment de vie plus long, sans possibilité pour le patient d’agir. Passif, il subit et est contraint par le rythme des soins, sans contrôle possible, ce qui renforce les angoisses existantes.

Dans la définition du dictionnaire le mot « chose » reste une variable très large. Cette chose est individuelle, personnelle et même intime. Cette chose est liée au contexte, à la personnalité et aux expériences antérieures. Elle peut aussi prendre plusieurs visages au fil du temps : elle est mobile. Cette indétermination, comme cette mobilité, peuvent entraîner une instabilité du corps (agitation), des perceptions et des émotions. Ainsi ce patient qui ne pouvait prendre son rendez-vous d’IRM alors que ses derniers examens s’étaient bien passés et que son état clinique était satisfaisant. Il percevait cela avec inquiétude. Il n’arrivait pas à se positionner face à cette anticipation. Il percevait une grande instabilité face au délai de rendez-vous, à l’examen lui-même ou aux résultats. Cette instabilité le rendait confus, anxieux, agité, indécis : il ne savait plus. Les visages de cette instabilité sont nombreux. Pour certains, impossible de rester en place, ils tournent « comme des lions en cage ». D’autres verront une certaine prostration s’installer, qui souligne l’instabilité corporelle que nous traduisons par un engourdissement, une raideur peu confortable et gênante. Les perceptions et les émotions s’expriment elles aussi : une colère, une anxiété, une révolte, une insatisfaction. Le regard change, les goûts sont perturbés et les sensations ne trouvent plus de place dans l’environnement. Une addiction peut se révéler ou s’amplifier, l’environnement familial et professionnel paraît en décalage avec la réalité du moment. Tous ces éléments rendent instable, non disponible aux facettes de l’attente. Nous ne sommes pas là dans l’espace-temps qui s’offre à nous et donc indisponibles à la chose qui va se produire.

L’ATTENTE INSTABLE FACTEUR D’ANXIÉTÉ

Comment rendre cette attente indéterminée moins angoissante ? Comment l’hypnose médicale peut nous ouvrir un chemin pour nous permettre de trouver notre posture et d’aider nos patients à faire de même ? Comment appréhender cette période d’attente comme une infusion dans le temps ? La séance d’hypnose est là pour faire percevoir au patient qu’il rentre dans un espace-temps, celui de son parcours de soin. Positionner son corps dans cet espace est central. Ne pas rester dans un espace-temps non défini, dans lequel le corps ne sait pas où il se trouve. Cette absence de positionnement du corps est un facteur d’anxiété fort. Pour exemple, cette femme en cours de traitement qui dit en rentrant dans le bureau : - « J’en ai marre ». - Marre de quoi ? - Les plaquettes sont trop basses il faut attendre que le chiffre soit meilleur pour ma prochaine cure de chimio. Cela me bloque, je ne peux pas partir à la campagne. Je ne sais quand elles vont remonter. Ça m’inquiète. » Dans ce cas l’indétermination c’est le temps. La détermination de la chose c’est la remontée des plaquettes. Nous avons travaillé le changement de perception de l’espace-temps par une métaphore campagnarde centrée sur l’observation de l’éclosion des bourgeons au printemps. Cette femme a replacé son corps dans cet espace-temps. Il n’était plus en dehors et instable mais dedans et identifié. Dans ce contexte d’attente instable, il faut retrouver en premier lieu la stabilité du corps dans ses perceptions. Trouver un appui sur lequel le corps peut s’installer : s’asseoir, s’allonger. Quelle que soit la posture, il est nécessaire de percevoir le corps appuyé sur quelque chose qui soutient. Prendre quelques instants pour porter attention à cette position, là, et percevoir le soutien comme élément de stabilité. Ne rien chercher d’autre car tout est présent. C’est un exercice simple pour le patient quand une grande instabilité, une agitation se traduisent par un questionnement répétitif : « Pourquoi je suis comme cela, comment j’en suis arrivé là, et pourquoi cela me tombe dessus, je ne supporte pas cette situation, je ne peux faire l’examen, je ne peux continuer ce traitement, je suis fatigué, etc. »

Autoriser le corps à se reposer ici, sans aucune performance, sans aucune technique, sans intention particulière, simplement le laisser ressentir l’appui et le soutien. Se laisser infuser par l’appui pour trouver la stabilité du corps. Laisser le corps attendre qu’il puisse trouver ici une stabilité perdue. Les cavaliers parlent de l’assiette. Cette manière de rentrer en contact avec la selle quelle que soit l’attitude du cheval. On peut dire que ce premier temps de l’attente, cette stabilité du corps retrouvée est une induction hypnotique. Revenir là dans ses perceptions. Cette stabilité du corps nous permet d’observer ce temps d’attente qui s’offre à nous, ses composantes et percevoir que nos pensées diverses s’estompent. Percevoir l’attente comme un temps qui nous appartient et qui n’est pas extérieur : être dedans. Le praticien est lui-même dans une posture d’attente. Il attend que le patient s’exprime, il attend des informations qui peuvent se formuler dans le contexte. Il attend que le patient s’installe dans le fauteuil. Il attend que la relation thérapeutique s’installe dans une « présence » partagée. Il attend que le patient trouve son chemin et sa solution. Patient et praticien sont tous les deux dans cette même posture. Il n’y a rien à précipiter, à imposer, mais simplement à « être là » et attendre dans un espace-temps partagé. Dans une période d’indétermination de la chose qui peut surgir, une question demeure : quelle est notre position dans cet espace-temps qui s’offre à nous ? Doit-on chercher obstinément une solution qui peut nous rassurer mais qui n’a que ce rôle, ou doit-on trouver une position plus ouverte qui nous autorise à accueillir ce qui arrive ? Nous sommes là au coeur de la problématique de l’attente face au temps et à l’indétermination de la chose. Chaque patient présente sa problématique propre qu’il nous faut percevoir comme elle se présente. Certains diront « accueillir le patient là où il est », « accueillir ce qui est ». Il n’y a pas là de protocole ni de recette face aux multiples facettes qui se présentent à nous. Notre relation thérapeutique dans ce « face-à-face » singulier nous impose, comme au patient, d’être dans cette position. Cette proposition d’attente s’accompagne de silence. C’est dans cette position que nous trouverons la bonne distance pour que la relation s’installe, s’exprime et que les choses apparaissent : ni trop loin ni trop près. Proposer aux patients de se positionner dans cette posture d’attente est un soulagement. Dans notre expérience, nous constatons que cette proposition n’étonne pas les patients. Cette acceptation reflète bien la nécessité de nommer, d’identifier et d’intégrer cette période. Le patient comme le praticien s’approprient l’attente. Ils sont dedans.


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Dr MARC GALY

L'attente: une infusion dans le temps. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 60
Ancien interne des hôpitaux. Anesthésiste réanimateur. DU d’Hypnose médicale Pitié-Salpêtrière Paris VI. Consultation d’hypnose médicale service d’Anesthésie Réanimation hôpital Saint-Louis Paris 10. Auteur des livres : Etre là, ouvrage collectif dirigé par Marc Galy, Flammarion/ Versilio ; L’attente, Satas.

Dr ISABELLE DEVOUGE

L'attente: une infusion dans le temps. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 60
Ancienne interne des hôpitaux. Psychiatre. DU d’Hypnose médicale Pitié-Salpêtrière Paris VI. Service de Psychiatrie Pôle Paris 12 Hôpitaux de Saint-Maurice.

Masterclass Marc GALY: sur les pas de François ROUSTANG

Une Masterclass exceptionnelle, "sur les pas de François ROUSTANG"... Le 12 Décembre 2022 à Paris
LA FEUILLE BLANCHE

L’induction hypnotique doit être libre et résulte de la relation entre patient et praticien dans le contexte de soin. La visualisation d’une « feuille blanche » au patient est un support d’induction sur lequel son imaginaire peut se poser. Les suggestions du praticien intègrent toutes les formes de sensorialité définie par le classique « VAGOK ». Il est très facile de présenter cette feuille au patient dans des circonstances de soins techniques dans l’urgence ou en dehors de ce contexte. Les suggestions ne sont que proposées et non imposées. Le patient comme toujours choisi son chemin imaginaire si la relation installée lui donne cette liberté (deux films)

LA PRESENCE

Que veut dire être présent ? De nombreuses fois nous employons ce mot « présence » sans en définir les contours ou la forme. La présence est-elle une forme de communication ou bien s’en détache-t-elle pour revêtir une autre posture ? Cette réflexion est centrale dans le cadre de la rencontre clinique hypnotique ou non. Peut-on relier présence et absence dans la « perceptude » hypnotique de Roustang ? (un film)

L’ATTENTE

Percevoir l’attente dans le parcours de soin des patients est l’un éléments qui nous autorise à ouvrir des pistes thérapeutiques. Dans ce parcours de soin l’attente est un facteur d’anxiété majeur. Comment aborder la problématique de l’attente avant de se focaliser sur celle de l’anxiété ? Si le patient attend, le praticien doit -il lui aussi se positionner dans cet espace ? Quel est la place de l’hypnose dans la problématique du changement des perceptions d’attente ? (Deux films)

LE SILENCE

Le silence existe-t-il ? Pourquoi parler du silence dans la rencontre hypnotique ? Existe-t-il une confusion avec la méditation ? Nous nous attarderons sur ce thème afin d’en définir quelques éléments et sa place dans le « face à face » thérapeutique.

Le programme entier sur https://in-dolore.fr/masterclass-marc-galy-sur-les-pas-de-francois-roustang/


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Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°60
Février Mars Avril 2021

Dossier : Les techniques de Rossi
- Edito: Ernest L. Rossi, celui qui savait poser les questions à Milton Erickson. Julien Betbèze, rédacteur en chef

- Papa, maman, le psy et moi. Comprendre le travail transgénérationnel. Bogdan Pavlovici nous invite avec humour à une séance de thérapie familiale

Peur du vide. Quatre situations cliniques. Nathalie Koralnik utilise l’approche de Palo Alto et nous donne des stratégies précises pour affronter la peur du vide.

- La poésie, une alliée hypnotique. Pour se séparer de ce qui nous fait souffrir. Nicolas d’Inca

Espace Douleur Douceur

- Edito : Douleur ou souffrance ? Gérard Ostermann

- L’attente, une infusion dans le temps : Isabelle Devouge et Marc Galy

- Soulager la douleur en réparant le passé. Philippe Rayet fait le récit d’une histoire clinique mettant en scène la puissance de l’imagination active

- Quand tout bascule. Luc Evers, passé brutalement du statut de thérapeute à celui de patient témoigne de son expérience et de son utilisation de l’autohypnose avant, pendant et après son opération

Dossier : hommage à Ernest Rossi

Un chercheur en action. Dominique Megglé

- Un génie avec beaucoup de lumières. Claude Virot

- L’art de l’induction de transe et de l’accompagnement dans le processus hypnotique par le questionnement. Wilfrid Martineau

Rubriques

- Quiproquo, malentendu et incommunicabilité. « Illumination ». Stefano Colombo

- Les champs du possible. Je ne parle plus l’hypnose. Les troubles du comportement alimentaire et les mots. Adrian Chaboche

Culture monde. Expérience visionnaire d’un soufi. Sylvie Le Pelletier

Les grands entretiens. Mark P. Jensen, soulager les patients de leurs douleurs chroniques. Par Gérard Fitoussi

- Livres en bouche

Lecture du texte du Dr Marc Galy par Laurent Gross: Les suggestions post-hypnotiques

L'attente: une infusion dans le temps. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 60
Pendant la période du Grand Confinement, certains confrères hypnothérapeutes ayant eu des difficultés pour recevoir la revue Hypnose et Thérapies Brèves par la poste, j'ai essayé de tenter un enregistrement en podcast d'un article de la revue.

Et c'est avec un grand plaisir que j'ai effectué cette lecture d'un texte du Dr Marc GALY, médecin anesthésiste, spécialiste de l'hypnoanalgésie.

https://www.hypnose-paris.fr/Lecture-du-texte-du-Dr-Marc-Galy-par-Laurent-Gross-Les-suggestions-post-hypnotiques


Rédigé le 15/08/2021 modifié le 01/10/2022

Laurent GROSS
Laurent Gross, Hypnothérapeute à Paris, Thérapeute EMDR - IMO. Formateur & Président du Collège... En savoir plus sur cet auteur

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