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L’hypnose s’invite en salle d’op - Hypnose et Anesthésie - Hypnose et Douleur

En janvier dernier, la reine Fabiola intrigue les Belges en étant opérée sous hypnose. Comment une pratique comme l'hypnose se retrouve-t-elle au service de la médecine ?



Sur la grande porte orange du bloc opératoire numéro 6 aux cliniques Saint-Luc à Bruxelles, un petit écriteau vient d’être accroché par un infirmier : "Silence Hypnose". Dans quelques minutes, Daniela, 54 ans, va subir une ablation totale de la thyroïde sans anesthésie générale. Elle est consciente, couchée sur son lit d’hôpital et attend sagement le chirurgien. "Vous savez, c’est la première fois que je me fais opérer sous hypnose." Si c’est une première pour Daniela, l’anesthésiste Fabienne Roelants, elle, n’en est pas à son coup d’essai. Elle pratique l’hypnose depuis trois ans pour des opérations qui nécessitent normalement une anesthésie totale.

L’hypnose en anesthésie est initiée en 1992 par le Professeur Marie-Elisabeth Faymonville du CHU de Liège. Dans la plupart des cas, l’hypnose est utilisée pour des opérations à la glande thyroïde et pour des tumorectomies du sein. Les médecins y ont également recourt pour la chirurgie plastique et abdominale.

Il s’agit en réalité d’hypnosédation. Le patient est endormi localement par un procédé chimique. Il reçoit une faible dose de sédatif. Pour le reste, il est sous hypnose. Cela lui permet d’accéder à un autre état de conscience durant l’opération. Son attention est détournée. Il est concentré sur un lieu particulier qu’il aura choisi. L’anesthésiste demande alors au patient de se remémorer un voyage. La personne se fixe sur un point et s’imagine en train de bourlinguer. Pour ceux qui ne voyagent pas, il est tout à fait possible de penser à un endroit agréable. "Je me souviens d’un curé qui s’est fait opérer sous hypnose" , confie le Professeur Roelants. Je lui ai demandé de songer à un endroit où il est en totale confiance. Sans hésiter, le prêtre a répondu : "Une église !" Durant toute l’opération, cet homme s’est vu réciter la messe !

Les patients sont dans un état de conscience modifiée. Ils savent ce qui se passe autour d’eux, mais ils n’y prêtent pas attention. Leur esprit est fixé sur ce voyage qu’ils revivent. "J’étais à Paris en train d’acheter du thé dans une petite boutique, confie Damien, quelques heures après son hypnosédation. J’étais conscient qu’on me charcutait, mais je ne m’en souciais pas. Il paraît que ça a duré une heure et demie, pour moi l’opération a pris 30 minutes." Cette distorsion du temps est normale explique Fabienne Roelants. L’être humain est souvent sous hypnose. "Lorsque vous conduisez et que d’un coup vous vous rendez compte que vous êtes chez vous sans avoir vu le temps passé et bien c’est une forme d’hypnose." Le tout, c’est d’accepter de se faire hypnotiser. L’hypnosédation ne fonctionne que si il y a une réelle implication du patient.

Les résultats sont très concluants. L’hypnosédation permet de ne pas ressentir les désagréments postopératoires de l’anesthésie générale. Avec cette dernière, le patient est plongé dans un coma réversible duquel il faut se remettre. Selon le Professeur Marie-Elisabeth Faymonville du CHU de Liège, un patient sur quatre ressent encore les effets de l’anesthésie générale des semaines après l’opération. Avec l’hypnosédation, la personne est moins stressée et se remet plus rapidement. Elle cicatrise plus facilement et son corps n’a pas à supporter les substances chimiques lourdes utilisées pour l’anesthésie générale.

La relation entre le patient et l’anesthésiste est étroite tout au long de l’opération. "On est là pour accompagner le patient. On l’aide à se mettre en état d’hypnose avant l’opération, mais aussi durant toute l’intervention." A n’importe quel moment, le patient peut communiquer avec le médecin par un geste convenu à l’avance. Il est au courant de tout ce qui se passe. Cette relation de confiance permet au patient de garder le contrôle de lui-même. Les gens croient souvent que l’hypnose fait perdre toute gestion de soi, mais c’est le contraire. La personne est très concentrée, l’anesthésiste, lui, ne fait qu’aider le malade à accéder à l’hypnose.

C’est tout un travail d’équipe. Le personnel médical doit accepter de travailler calmement. "J’adapte mes gestes et j’évite des tractions trop fortes", remarque le Professeur Mourad, chirurgien aux cliniques Saint-Luc à Bruxelles. "Pour une hypnosédation, les bruits sont réduits au maximum, alors que pour une opération normale on n’hésite pas à discuter et rigoler entre nous" , constate Fabienne Roelants.

Pour Jan Poelaert, Président de la Société belge d’anesthésie, l’hypnose présente un risque à ne pas négliger. "Il ne faut pas oublier qu’il peut y avoir un problème d’aspiration." Cette menace est présente lors de n’importe quelle opération. Le patient peut avoir des remontées provenant de l’estomac qui lui bloquent sa respiration. Normalement, un tube est prévu pour éliminer les obstructions, mais pour l’hypnose on ne l’utilise pas afin de donner plus de confort au patient. Fabienne Roelants se veut rassurante. "L’équipe médicale est prête à intervenir au moindre problème." Elle insiste toujours auprès de ses patients : "Je suis anesthésiste avant tout ! L’hypnosédation est un complément." Si la personne ne parvient pas à se concentrer, tout est prévu pour l’anesthésier entièrement. Aucun risque donc si le patient sort de son hypnose durant l’opération, les produits sont prévus pour l’endormir en un quart de seconde.

Cela fait trois ans que Fabienne Roelants et sa collègue, le Professeur Christine Watremez utilisent l’hypnose aux cliniques Saint-Luc. Sur la centaine de patients qu’elles ont traités, il n’y a eu aucune complication. Elles n’ont jamais dû recourir à une anesthésie générale lors d’une hypnosédation. Excepté pour un vieil homme qui avait demandé à être hypnotisé confie Mme Roelants, "on s’est rendu compte avant l’opération qu’il était sourd, ce qui n’a pas été facile pour communiquer " .


Rédigé le 01/01/2009 modifié le 16/09/2009


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