Sevrage tabagique : et si l’hypnose faisait des miracles ?

Par Ariane LANGLOIS, journaliste ANPAA pour le magazine Addictions

De plus en plus de Français se tournent vers l’hypnose pour arrêter de fumer. Rapide et sans effets secondaires, cette méthode douce semble offrir un ultime recours aux accros de la cigarette. Remède miracle pour les uns, arnaque pour les autres, l’hypnose est-elle vraiment efficace ?



En dépit des mesures prises par le gouvernement pour réduire les problèmes liés au tabagisme, le nombre de fumeurs reste élevé en France : 33,4% de fumeurs, soit près 15 millions de Français sont accros à la cigarette. Chaque année, 60 000 personnes meurent des suites du tabagisme. Pourtant, plus de 10 millions de fumeurs souhaitent arrêter de fumer, notamment depuis 2007, date de l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Patchs à la nicotine, gommes à mâcher, acupuncture, médicaments à base de varénicline, les solutions ne manquent pas, mais les plus dépendants peinent à supprimer durablement cette mauvaise habitude.

C’est le cas de Jean-Paul, 49 ans, fumeur depuis plus de 30 ans. « Patchs, Champix®, j’ai essayé plusieurs méthodes mais à chaque fois, un problème personnel me faisait craquer : il fallait que je reprenne une cigarette, c’était plus fort que moi. La cigarette faisait partie intégrante de ma vie. » Consultant, soumis au quotidien à beaucoup de stress, Jean-Paul fume jusqu’à deux paquets par jour. Mais il y a quelques mois, son état de santé devient préoccupant.

Face à ses toux, ses bronchites à répétition et sa fatigue constante, son médecin tire la sonnette d’alarme. « Je n’avais pas le choix, une menace sérieuse planait sur moi. Par ailleurs, la cigarette commençait à me peser : le budget que cela représentait, la dépendance (ne pas pouvoir sortir de chez soi sans vérifier fébrilement qu’on a bien son briquet) et le fait de vivre continuellement dans la saleté d’un nuage de fumée, alimentaient un sentiment de ras-le-bol. Il était temps d’agir. »


Un sevrage rapide

Jean-Paul se tourne alors vers l’hypnose, méthode dont son médecin lui a parlé, mais doit faire face aux réticences de son entourage. « Ma famille craignait que je ne me fasse voler. Mais je ne me suis pas laissé démotiver, je voulais tenter cette nouvelle forme de thérapie. »

Comme Jean-Paul, de plus en plus de fumeurs se tournent vers l’hypnose. Pour Claude Rappaport, hypnothérapeute à Paris, la méthode touche indistinctement les hommes et les femmes mais attire principalement des personnes qui ont tout essayé par ailleurs.

« Bien souvent, je reçois des gens démunis qui ont l’impression d’avoir une montagne devant eux qu’ils se sentent incapables de gravir seuls. Mon rôle est donc de les accompagner dans le renouveau d’une vie sans cigarette ».

En l’espace de deux mois, Jean-Paul effectue cinq séances d’une durée d’une heure. Au terme d’hypnose, il préfère d’ailleurs celui de « relaxation ». « J’étais certes détendu mais en même temps conscient. Pour moi, il s’agit plus d’une navigation intérieure qui m’a amené à m’interroger sur mes motivations, sur ce que la cigarette représentait pour moi et de quelle manière je pouvais modifier mes habitudes. »

La cinquième et dernière séance reste cependant floue pour Jean-Paul : une seule chose est sûre, il ressort du cabinet convaincu qu’il ne touchera plus à une cigarette de sa vie. « Faire le deuil du tabac me semblait impossible et pourtant, je l’ai fait. Il m’arrive encore d’avoir l’idée de reprendre, mais cela dure un dixième de seconde. Juste après, je me dis que je n’en ai plus besoin. Je ne sais pas d’où vient cette volonté. Même mon entourage est bluffé ! »


Une réflexion indissociable de l’hypnose


Mais alors comment un tel miracle est-il possible en si peu de temps ? Comme l’explique Claude Rappaport, il existe deux types d’hypnose. Tout d’abord, l’hypnose « directive » qui consiste à donner des ordres au patient : « le tabac, ce n’est pas bien, tu ne dois plus toucher à une cigarette ». Rapide (une seule séance peut suffire !), pratique, cette méthode comporte cependant des risques de rechute sur le long terme et notamment, le risque de compensation par une autre addiction (par exemple, des troubles alimentaires).

Il existe également l’hypnose « d’accompagnement », méthode privilégiée par Claude Rappaport. Celle-ci se compose tout d’abord d’une demi-heure de réflexion et de conversation autour du tabac. « Le tabac est un mode d’expression de soi. Le but est donc d’identifier tous les gestes liés à la cigarette et d’aider la personne à se définir autrement que par le tabac.

Bien souvent, on fume pour évacuer un stress et s’accorder une pause dans la journée : la pause doit être maintenue car elle est importante, mais il faut éviter que la cigarette soit l’objet de décompression. » Après la réflexion vient la demi-heure d’hypnose proprement dite. Par hypnose, on entend un état dissocié de la conscience : une sorte d’état de veille, entre rêve et sommeil, durant lequel la personne est psychiquement présente et peut répondre aux questions du thérapeute.

L’expérience a montré que durant cette rêverie, la personne se révèle plus perméable aux suggestions. L’hypnothérapeute recourt donc à différentes images – positives ou négatives – pour l’accompagner dans sa volonté de changement. « Les symboles que j’utilise durant le temps d’hypnose sont propres à chacun, souligne Claude Rappaport.

Je m’appuie sur des arguments suggérés par les patients eux-mêmes. Par exemple : si quelqu’un évoque la gêne liée à l’odeur du tabac, je vais lui présenter des images qui renforceront ce dégoût. S’il me parle davantage de la contrainte que représente la cigarette, j’utiliserai des images qui évoquent la liberté. Mon rôle est de m’adapter aux représentations de chacun. »

Apprendre à modifier ses habitudes

Le processus d’accompagnement complet dure en moyenne un mois et comporte cinq rencontres qui se déclinent de la façon suivante : lors du premier rendez-vous, l’hypnothérapeute analyse le lien affectif du fumeur avec la cigarette et identifie ses motivations. « Le fait de vouloir arrêter de fumer cache généralement une volonté plus large de changement : il est souvent lié à d’autres événements de la vie du patient. »

Le thérapeute recommande certaines lectures et surtout, prescrit des exercices à effectuer après la séance. « Je demande au patient de s’engager de manière concrète dans ce changement, explique Claude Rappaport. Certains exercices vont l’aider à modifier ses repères par rapport au tabac : changer de marque de cigarette lors de l’achat d’un paquet, changer de doigt pour fumer, de lieu de tabagie ou de personne avec qui aller fumer…

En balayant ces habitudes, j’aide la personne à s’installer durablement dans le changement pour qu’elle accepte plus facilement de vivre sans la cigarette. » Les trois rendez-vous suivants visent à renforcer la décision du patient et à faire le deuil du tabac : la personne arrête concrètement de fumer lors du quatrième rendez-vous. Une étape qui a particulièrement marqué Jean-Paul.

« Pour arriver à passer ce cap, mon thérapeute m’a incité à fumer une cigarette au réveil 5 minutes sans m’arrêter, écrire ensuite mes impressions, puis fumer à nouveau, le tout avant de prendre mon petit-déjeuner. Le but était que je garde le plus mauvais souvenir possible de la dernière cigarette : ce fut radical ! »

Le cinquième rendez-vous est enfin l’occasion de faire le point une semaine après l'arrêt : l’hypnothérapeute livre alors ses conseils pour gérer au mieux les émotions à venir et surtout éviter les rechutes. « Le sevrage nicotinique se fait en cinq jours, mais le sevrage affectif peut être plus long, observe Claude Rappaport. Cette séance de revitalisation consiste notamment à acquérir des techniques d’auto-hypnose pour canaliser l’irritabilité et les éventuelles envies de reprendre. L’idéal reste d’effectuer un suivi sur un an, à raison d’une visite par trimestre. »


Comprendre les raisons de la rechute


Comme toutes les méthodes de sevrage tabagique, l’hypnose compte son lot d’échecs. Claude Rappaport voit parfois revenir à son cabinet des personnes qui ont replongé, quelques mois plus tard. « La rechute signifie qu’il y a eu un manque dans le traitement des habitudes ou que les motivations n’ont pas bien été renforcées.

Cela peut aussi être lié à un événement de vie difficile à traverser. Arrêter de fumer et se séparer de son conjoint par exemple, cela fait beaucoup. Parfois, il faut accepter de remettre à plus tard la décision d’arrêter de fumer si ce n’est pas le bon moment sur le plan personnel ou professionnel. »

Une chose est sûre : mieux vaut y croire un minimum avant de tenter l’expérience, sans quoi l’essai risque de ne pas être concluant. « Si l’on vient en disant : « De toute façon, vous ne pouvez rien faire pour moi, j’ai tout essayé », effectivement cela ne fonctionnera pas car la volonté de changer n’est pas assez forte », martèle Claude Rappaport.

Côté tarifs, la méthode est assez onéreuse : pour une hypnose directive (arrêt du tabac en une seule séance), il faut compter entre 300 et 500€. S’il s’agit d’une hypnose d’accompagnement, la séance oscille entre 70 et 80€. Ce suivi n’est pas remboursé par la Sécurité sociale, mais il ne faut pas hésiter à se renseigner auprès de sa complémentaire santé : certaines mutuelles acceptent en effet de prendre en charge différentes méthodes de sevrage tabagique.

Des taux de réussite encourageants

Difficile de prouver l’efficacité réelle de l’hypnose dans le sevrage tabagique. Cependant, les études* réalisées sur le sujet montrent que celle-ci se classe parmi les solutions les plus efficaces pour arrêter de fumer :

Taux de réussite sur un an :

- Varénicline (ou Champix®) : 10% à 22%
- Hypnose : 15 à 45%
- Zyban® : 15%
- Acupuncture : 8 à 15%
- Homéopathie : 8 à 15%
- Substituts nicotiniques (patchs) : 7 à 15%
- Inhaleur : 7 à 10%
- Gommes : 11%
- Pastilles ou comprimés à sucer : 7%

* Chiffres communiqués par les laboratoires Pfizer et l’institut Cochrane Collaboration.

Ariane Langlois journaliste pour ANPAA et avec l'aimable participation de Mme Elisabeth François

Rédigé le 09/11/2010 modifié le 21/06/2012


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