Hypnose aux urgences - Drs Weber et Guler

Formées à l’Institut d’Uthyl à Nancy, les Drs Guler et Weber, médecins urgentistes, ont été interviewées par Laurent Gross du CHTIP.
Les deux sont praticiennes urgentistes à l’Hôpital de Mercy à Metz en Moselle et également praticiennes attachées à la douleur.



Article écrit par Stéphanie Lavaud le 17 juin 2016, pour Medscape

Grâce à leur expérience de 4 ans, la pratique de l’hypnose leur a apporté un confort de travail, une autre manière de communiquer, autrement dit l’hypnose fait du bien personnellement et professionnellement. En effet, elles sont devenues plus calmes et plus sereines au travail, elles abordent les patients différemment et économisent leur énergie.

Leur objectif : développer l’hypnose dans de bonnes conditions entre de bonnes mains.
Après le dépôt d’un projet à la DG, elles espèrent bientôt mettre en place des formations internes pour que dans tous les services il y aient des référents qui fassent de l’hypnose aux gens qui en ont besoin notamment pour l’accompagnement des gestes douloureux.

Ce sont les jeunes qui vont le plus vers des formations techniques car en début de carrière ce n’est pas la formation prioritaire. Et ce sont effectivement des urgentistes qui ont de l’expérience qui ont le temps de se former à l’hypnose. Et de plus en plus d’internes. Mais la formation en hypnose devrait être prioritaire car elle aide beaucoup.
Il y a un mouvement général où l’hypnose est beaucoup médiatisée et de voir l’hypnose pratiquée sur le terrain ça aide à convaincre des professionnels de santé.
L’avantage de travailler dans un hôpital public aux urgences et de voir des personnes confiantes du fait du cadre et de la profession, qui respecte le patient. L’objectif est de les accompagner dans de meilleures conditions.

Alors que l’hypnose de rue «la street hypnose » est délétère et crée de la mauvaise publicité pour l’hypnose médicale. Et finalement de voir le manque de respect affiché pour les individus qui se font traiter comme ça. On rentre dans l’intime de la personne et dans un psycho traumatisme.
Des patients viennent avec la peur, ne sont pas confiants et certains sont traumatisés par ce type d’hypnose : l’hypnose de spectacle. Quelques patients ont une mauvaise expérience et viennent en consultation pour des douleurs. Il faut alors tout démonter et grâce à ce lien de confiance.
Un cas d’une femme qui a participé à un spectacle d’hypnose et a mis du temps à se réveiller, ce qui a traumatisé toute la famille. Elle a des douleurs. Et donc il a fallu expliquer l’hypnose thérapeutique avant de commencer la thérapie. Et il faut prendre plus de temps avec ces patients là.

Pourquoi l'hypnose a largement sa place aux urgences - Medscape

Paris, France – Au congrès Urgences 2016 , les Drs Nazmine Guler, Ahmed Laroui, et Sandrine Weber ont tous trois fait part de leur expérience, vidéo à l’appui, de la pratique de l’hypnose aux urgences et en Smur au CHR de Metz-Thionville. Depuis 2012, ils utilisent cette technique pour la prise en charge de la douleur aiguë et du stress, notamment lors de la réalisation de gestes techniques. Au vu des résultats obtenus, tant sur le bien-être des patients que sur le confort des urgentistes – sans parler du gain de temps et d’une moindre utilisation des thérapeutiques chimiques – , l’atelier qu’ils animaient sur le thème « Hypnose aux urgences : vous convaincre de vous former » a atteint son but.

Accéder à des compétences différentes

Difficile de définir ce qu’est l’état hypnotique (voir notre article sur l’hypnose thérapeutique), souvent vu sous l’angle de l’hypnose-spectacle. Sans doute la raison pour laquelle, le Dr Sandrine Weber a commencé par tordre le cou aux idées reçues : « ce n’est ni un sommeil (vérifié par électro-encéphalogramme), ni un voyage dans des vies antérieures. Encore moins un vol de la pensée, un lavage de cerveau ou un moyen de domination. Cela peut être de la relaxation mais pas forcément et c’est bien plus actif que juste de la détente » a affirmé l’urgentiste (hôpital de Mercy, CHR de Metz-Thionville).

« Il s’agit plutôt d’accéder à des compétences différentes, mais qui sont naturelles, que l’on a tous en nous et que l’on expérimente 1 à 2 fois par jour lorsque l’on est absorbé par son activité – la conduite sur un trajet connu sans s’en rendre compte, par exemple, ou la pratique des jeux vidéo chez les enfants » explique sa collègue, le Dr Nazmine Guler (hôpital de Mercy, CHR de Metz-Thionville).

L’Association américaine de psychologie définit l’état (ou transe) hypnotique comme un « état de conscience impliquant une attention focalisée et une moindre sensibilité à l’environnement caractérisé par une capacité accrue de réponse à la suggestion ». A l’hôpital, « cela revient à détourner le patient de sa blessure, de sa douleur » poursuit le Dr Guler, « et le focaliser par des suggestions sur quelque chose d’agréable pour lui (lieu sûr et agréable, activité favorite), du coup il devient moins réceptif à ce qui se passe alentour. Il a été démontré par différentes techniques (IRM, PET-Scan, potentiels évoqués somato-sensoriels) qu’un souvenir agréable vécu en état de transe hypnotique est plus proche de la réalité que s’il est vécu en imagination. Enfin, tout cela est sans risque pour le patient car il s’agit avant tout d’un état physiologique ».

Obtenir l’état de transe hypnotique repose en grande partie sur la relation médecin-patient. « C’est avant tout une technique, pas un don, précise le Dr Guler. Cela nécessite d’avoir la confiance du patient. »

Les urgences : l’endroit idéal pour l’hypnose

Si l’hypno-sédation et l’hypno-analgésie entrent peu à peu à l’hôpital, l’utilisation de l’hypnose aux urgences reste exceptionnelle. D’ailleurs, « nous n’avons recensé à ce jour aucune publication scientifique sur la pratique de l’hypnose aux urgences (si ce n’est des études de cas), affirment les deux urgentistes, qui mentionnent tout de même, dans le domaine des soins dentaires, une revue qui a comparé le confort des enfants lors d’une injection dans 3 situations (hypnose, relaxation et distraction) et montré l’intérêt de l’hypnose [2].

A la différence de son utilisation en anesthésie, l’hypnose aux urgences est, par définition, totalement improvisée. Pas question de consultation préparatoire, l’hypnose est pratiquée après que le patient se soit montré favorable à l’idée de la pratique de l’hypnose (ou de relaxation si le terme hypnose n’est pas utilisé).

Les trois médecins lorrains sont unanimes, contrairement aux idées reçues : les urgences sont l’endroit idéal pour l’hypnose. « Les patients sont en détresse aiguë, dans l’instinct de survie. L’adhésion est maximale (bien plus qu’en consultation) et les taux de résistance au plus bas,» témoigne le Dr Guler. « Les grands costauds disent qu’ils n’y croient pas mais ça marche super ! » renchérit le Dr Weber.

Dans quelles indications ? Si les douleurs aiguës, chroniques, l’anesthésie, les soins palliatifs, les troubles fonctionnels à expression somatiques (troubles digestifs, dermatologiques), l’anxiété (voir notre article) sont classiquement cités, les indications de l’hypnose thérapeutique aux urgences diffèrent un peu (voir encadré).

Vidéos (réalisées par les orateurs) à l’appui, les bénéfices de l’hypnose aux urgences sont sans appel : bien-être des patients – toujours très impressionnant –, gain de temps et moindre utilisation (voire absence) de thérapeutique chimique. Parmi les expériences les plus étonnantes, celle de cet enfant d’une dizaine d’années, allongé, éveillé et très calme, dont seuls les doigts bougent en un mouvement bien reconnaissable par les amateurs de « Gameboy » alors qu’il reçoit six points de suture pour une plaie au tibia, sans aucune sédation, ou encore cette femme chez qui le chirurgien réduit une luxation d‘épaule en seulement 6 minutes et sans surmédication alors qu’elle est en insuffisance rénale et dialysée …

Petit plus de la technique : « réalisée à un moment crucial, cette séance d’hypnose unique va marquer les patients très durablement, indique le Dr Weber. C’est pourquoi, nous leur disons qu’ils peuvent ré-utiliser l’ancrage choisi aux urgences (lieu sûr et agréable, activité favorite, musique) pour eux-mêmes sur un mode d’auto-hypnose à d’autres occasions, quand cela s’avère nécessaire. Et ce, tout au long de leur vie »

Amélioration du confort du médecin

Si l’hypnose est un outil de premier choix pour tout phénomène douloureux ou anxieux, elle ne peut en aucun cas remplacer un geste médical. « Il s’agit au minimum d’une mesure adjonctive dans diverses applications thérapeutiques. On est médecin, on reste médecin avant tout, rappelle, si besoin, le Dr Weber. On utilise les techniques médicales au plus juste pour le patient, ce qui n’empêche pas d’y ajouter l’hypnose pour plus de confort, pour plus de confiance. C’est un outil thérapeutique complémentaire quand on estime que ça peut aider, mais pas toujours. Je ne me prive pas de la morphine », ajoute-t-elle.

« Autre amélioration d’un domaine très négligé : le confort du praticien », signale le Dr Ahmed Laroui, urgentiste et attaché au service de pédiatrie (hôpital Bel-Air, Centre Hospitalier Régional de Metz – Thionville). De là à dire que l’hypnose est aussi un moyen de lutter contre le burn-out, il n’y a qu’un pas. Car l’hypnose est bien plus qu’une simple technique.

« Gestuelle, empathie, reconnaissance du patient et de son ressenti douloureux, utilisation de termes positifs…Se former à l’hypnose, c’est changer sa façon de communiquer, c’est évoluer vers une communication « quasi parfaite » explique le Dr Weber.

Rédigé le 12/07/2016 modifié le 06/06/2018

Laurent Gross, Hypnothérapeute à Paris, Thérapeute EMDR - IMO. Formateur & Président du… En savoir plus sur cet auteur

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